Une équipe de chercheurs suisses a passé en revue plus de 2 000 études menées à travers le monde. Publiée dans la revue Nature, leur synthèse couvre l’ensemble des écosystèmes – terrestres, aquatiques et marins – ainsi que tous les groupes d’espèces. Elle met en lumière des impacts « sans précédent » de l’activité humaine sur la biodiversité mondiale.

« Il s’agit de l’une des plus grandes synthèses des impacts humains sur la biodiversité jamais réalisée dans le monde », déclare Florian Altermatt, professeur d’écologie aquatique à l’Université de Zurich et directeur de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau (Eawag), dans un communiqué.

2 100 études passées au crible

Jusqu’ici, la plupart des recherches se concentraient sur des aspects fragmentés de l’évolution de la biodiversité – une région, une période ou un type d’impact en particulier. « La diversité biologique est menacée. De plus en plus d’espèces végétales et animales disparaissent dans le monde, et l’Homme en est responsable. Cependant, jusqu’à présent, aucune synthèse n’a été réalisée sur l’ampleur de l’intervention humaine sur la nature et sur la question de savoir si ses effets se font sentir partout dans le monde et dans tous les groupes d’organismes », indique le communiqué de presse de l’Université de Zurich (UZH). 

Les monocultures et l’utilisation excessive de pesticides sont deux des principales causes de la mortalité des insectes pollinisateurs depuis 1990. – Crédits photo : Pixabay

« En effet, la plupart des études menées à ce jour n’ont examiné que des aspects individuels. Elles ont soit examiné l’évolution de la diversité des espèces au fil du temps, soit se sont limitées à un seul lieu ou à des impacts humains spécifiques ». Pour dépasser cette vision morcelée, le chercheur et son équipe ont rassemblé les données de quelques 2 100 études, aboutissant à une méta-analyse d’une ampleur inédite. L’article, publié le 26 mars dans la revue Nature, révèle l’impact général et les principaux facteurs des pressions anthropiques sur la biodiversité. 

Cinq menaces majeures pour la biodiversité

L’analyse étudie l’impact de cinq facteurs de déclin de la biodiversité : le changement d’habitat, l’exploitation directe des ressources (comme la chasse ou la pêche), le changement climatique, les espèces envahissantes et la pollution. Elle couvre en outre tous les types d’écosystème, qu’ils soient terrestres, marins ou d’eau douce et cible chaque groupe d’espèces, des mammifères aux microbes, en passant par les champignons, les plantes, les invertébrés, les poissons et les oiseaux. François Keck, chercheur postdoctoral à l’Eawag, explique :

« Nos résultats montrent que ces cinq facteurs ont un impact important sur la biodiversité mondiale, dans tous les groupes d’organismes et dans tous les écosystèmes », 

En moyenne, le nombre d’espèces sur les sites impactés par l’activité humaine était inférieur de près de 20 % à celui des sites non impactés. « Les vertébrés, tels que les amphibiens, les reptiles et les mammifères, ont subi des pertes particulièrement importantes dans toutes les régions biogéographiques », constatent les scientifiques. Ces populations, qui ont tendance à être nettement plus restreintes que celles des invertébrés, sont particulièrement vulnérables à l’extinction.

Les invisibles en première ligne

Outre la taille des populations, la variété des espèces est un autre aspect clé de la biodiversité, également impactée par les activités humaines. « Dans les régions de haute montagne, par exemple, des plantes spécialisées risquent d’être supplantées par des espèces de plus basse altitude avec le réchauffement climatique. Dans certaines circonstances, le nombre d’espèces sur un site donné peut rester le même ; néanmoins, la biodiversité et les fonctions écosystémiques seront affectées si, par exemple, une espèce végétale dotée d’un système racinaire particulièrement performant pour protéger le sol de l’érosion disparaît », indique le communiqué de presse.

Les changements les plus importants dans la composition des communautés d’espèces se produisent parmi les microbes et les champignons. « Cela pourrait être dû au fait que ces organismes ont des cycles de vie courts et des taux de dispersion élevés et réagissent donc plus rapidement », suggère François Keck.

Les champignons remplissent d’importantes fonctions dans un écosystème tel que la forêt. Ils décomposent la matière organique morte, assurant ainsi la continuité du cycle des nutriments. Dans l’espace racinaire, les champignons mycorhiziens contribuent à l’apport en eau et en nutriments de pratiquement toutes les plantes supérieures, y compris nos arbres forestiers. – Crédits photo : Pixabay

Pollution et béton : le duo fatal

Sans surprise, l’étude note également que les changements d’habitat et la pollution environnementale ont un impact exceptionnellement négatif sur le nombre et la composition des espèces en présence. Et pour cause : la transformation des paysages par l’Homme entraîne souvent des modifications radicales du milieu de vie de nombreuses espèces, voire la destruction complète de leur habitat. C’est le cas notamment lors de la déforestation de milliers d’hectares de forêts ou de l’urbanisation croissante des terres

La pollution, qu’elle soit accidentelle, comme lors d’une marée noire, ou délibérée comme lors de la pulvérisation de pesticides, introduit des substances destructrices au sein des écosystèmes qui affaiblissent ou détruisent les organismes vivants qui les peuplent.

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Enquête sur deux marées noires en Californie
Enquête sur deux marées noires en Californie.

Vers un sursaut politique ?

Finalement, « l’influence humaine que nous constatons est parfois si forte qu’il existe même des signes qui pourraient indiquer un effondrement complet des communautés d’espèces », s’inquiètent les chercheurs, espérant que ces nouvelles données puissent servir de référence dans les efforts de conservation à venir. 

« Nos résultats fournissent des indications claires sur les influences humaines qui ont le plus d’impact sur la biodiversité », conclut Florian Altermatt. « Cela montre également les objectifs à fixer pour inverser ces tendances ». 

– Lou A.


Photo de couverture de Conrad Stel sur Unsplash

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